Conférence du vendredi 17 décembre 2021 : Romain BADOUARD - Modération et censure sur le Web
Internet né aux Etats Unis a été conçu comme un outil de la liberté d’expression. La liberté d’expression est centrale dans la culture américaine à travers notamment le 1er amendement de la constitution qui précise que l’Etat doit être extérieur au libre marché des idées. C’est un modèle politique différent de la culture française où très tôt le législateur a voulu réguler la liberté d’expression en particulier par la loi de 1881 sur la liberté de la presse et ses compléments ultérieurs qui ont notamment introduit les notions de discrimination, d’injure ou de diffamation. Le nouveau contexte créé par Internet est apparu en 1996 en France lors de l’interdiction du livre du médecin de François Mitterrand. Le livre a été repris via un cyber café de Besançon par des sites accessibles à l’étranger permettant ainsi de contourner l’interdiction.
L’apparition et le développement des réseaux sociaux et les excès qu’ils provoquent n’ont fait qu’accentuer la demande de régulation du Web particulièrement au regard des incitations à la haine et au harcèlement. Mais qui est responsable d’un propos sur Internet, le « plombier » ou hébergeur qui fournit les réseaux et le support, ou l’éditeur, auteur du message ? Les réseaux sociaux ont bouleversé les choses sur le plan juridique et le « filtrage » par les plates formes s’est progressivement accru.
Le recentralisation du Web s’est notamment manifestée par la censure imposée à Donald Trump lors de l’invasion du Capitole le jour de la prestation de serment de Jo Biden, ou l’invisibilisation de certains réseaux féministes ou, la disparition, pour les Chinois, des massacres de la place Tien’ Anmen. Les publicateurs élaborent des standards de publication qui, dans un premier temps, ont imposé la pudibonderie américaine à toute la toile. Les règles ont évolué progressivement en fonction des pays et des cultures locales.
Concrètement les plates formes interviennent :
L’apparition et le développement des réseaux sociaux et les excès qu’ils provoquent n’ont fait qu’accentuer la demande de régulation du Web particulièrement au regard des incitations à la haine et au harcèlement. Mais qui est responsable d’un propos sur Internet, le « plombier » ou hébergeur qui fournit les réseaux et le support, ou l’éditeur, auteur du message ? Les réseaux sociaux ont bouleversé les choses sur le plan juridique et le « filtrage » par les plates formes s’est progressivement accru.
Le recentralisation du Web s’est notamment manifestée par la censure imposée à Donald Trump lors de l’invasion du Capitole le jour de la prestation de serment de Jo Biden, ou l’invisibilisation de certains réseaux féministes ou, la disparition, pour les Chinois, des massacres de la place Tien’ Anmen. Les publicateurs élaborent des standards de publication qui, dans un premier temps, ont imposé la pudibonderie américaine à toute la toile. Les règles ont évolué progressivement en fonction des pays et des cultures locales.
Concrètement les plates formes interviennent :
- Par les signalements des internautes, qui suscitent la réaction de « censeurs » souvent installés dans les pays du Sud. Leur mission est de décider « en 2 secondes » ce qui doit être publié ou non. Les risques de manipulation ou de signalement abusifs sont évidents. La matière est d’un volume considérable (Youtube, c’est 500 heures de vidéos à la minute…).
- Utilisation de l’intelligence artificielle. S’avère efficace pour détecter des images (nudité). La détection à partir des mots est plus incertaine, le sens pouvant être très différent selon le contexte et selon les codes utilisés par des minorités (cf.88 pour les pro-nazis). Par ailleurs, l’intelligence artificielle ne connait pas l’ironie…
- Les plates formes peuvent aussi « invisibiliser » ou dégrader considérablement les contenus ou les émetteurs « nocifs ».
Quel rôle pour les Etats ? L’intervention se concrétise sous plusieurs formes.
- Les menaces d’amende comme dans la loi Avia du 24 juin 2020. Des interventions en principe rapides (24 ou 48 h) et des sanctions lourdes, jusqu’à 4% du chiffre d’affaires . La loi a été largement réformée par le Conseil Constitutionnel.
- La recherche de la transparence sur les modalités de contrôle, en d’autres termes lutter contre l’opacité stratégique.
- Au plan européen, la mise en place du Digital Service Act qui vise à développer des audits indépendants. Tout ce qui est interdit dans l'espace public sera aussi interdit dans l’espace online.
Jean-Claude Charrier- Décembre 2021
Le livre de Romain Badouard Les nouvelles lois du Web ; Modération et censure – Seuil La République des idées 2020
Mis à jour le 22 mars 2022.