Conférence du 25 février 2022 : Anaïs DENET et Eléonore DUPLAY - Notre journalisme de terrain et d’enquêtes

Anaïs DENET est reporter d’images àTélénantes, en charge des faits divers, après avoir été correspondante dans l’Ouest pour RMC et BFM TV. Elle a publié en 2019 Troadec et moi (éditions Denoël), un livre dans la tradition américaine du journalisme narratif  privilégiant la subjectivité.
Eléonore DUPLAY est journaliste à France3 Pays de la Loire, notamment chargée des sujets liés à l’environnement, au maintien de l’ordre et aux affaires judiciaires. Elle à publié en octobre 2021 Notre-Dame-des-Landes, après la lutte (Editions du Seuil).

Pourquoi avoir écrit ce livre ?
E. D. «  Dans une affaire comme NDDL on a raconté des brides d’histoire au fur et à mesure des évènements. J’ai éprouvé le besoin de rassembler dans une vision d’ensemble tous ces éléments. Pour reconstituer un ensemble humain, mettre en perspective les enjeux et les acteurs. Le livre permet grâce à l’historique de ne pas se sentir trahi par les reportages antérieurs »
A.D. « Quand jeune journaliste on est plongé dans un fait divers qui passionne la France comme l’affaire Troadec, c’est un moyen d’échapper au stress, à la pression de la rédaction parisienne qui impose un rythme infernal. »
Anaïs Denet souligne les servitudes du correspondant audiovisuel d’une grande chaine : seule, il faut tout faire, image, son, questions, travailler et vivre dans sa voiture en parcourant des centaines de kms, ou sous la couette pour avoir un son sans interférence, accumuler la fatigue dans des journées de 12 à 14 h, ne pas montrer dans la voix ou l’image que l’on est fatiguée. Je lis, je dors Troadec, j’enfile des barres chocolatés, je frotte les glissières de l’autoroute,  j’emboutis ma voiture…Le livre permet du recul, replace le « je » dans le contexte,   quitte à se faire aider par un psy.
Des conditions de travail en contraste, souligne Eléonore Duplay,  avec le fonctionnement de France 3 où  sont concentrés  plusieurs dizaines de journalistes constitués en équipes avec les moyens d’une grosse structure.  Mais la journaliste à l’écran représente la chaîne.

La guerre des images ?
E.D. « A NDDL elle a été constante. J’ai en mémoire l’image de la zadiste tenant dans ses bras une brebis morte. Emotion assurée, mais les versions différaient selon les sources. Il faut avoir ses propres images. La préfecture avait les siennes « propres, lisses ». Eviter ces écueils, c’est le travail des journalistes. Autre exemple, la préfète Nicole Klein en visite matinale sur la Zad et trinquant avec un gobelet « Non à l’aéroport » avec des opposants paysans « historiques » et photographiée par un seul journaliste d’Ouest France, choisi. Sur la même image, peu visible, le n°1 de la gendarmerie. L’arrivée de la préfète entre deux haies de zadistes, dos tourné et fesses à l’air, n’a pas été prise …
A.D. «  Sur la Zad ou même dans l’affaire Troadec, il valait mieux être en voiture banalisée pour travailler plus librement. A Télénantes, j’aime particulièrement  «  faire parler les gens ». J’ai en mémoire l’affaire des bébés secoués, importante à Nantes où, hors caméra,  après le reportage, j’ai vu des parents auxquels j’avais laissé mon numéro de téléphone. Quelque chose de très positif. J’ai le sentiment que notre action a du sens. La force du fait divers c’est qu’il parle à tout le monde.
Observatoire des Médias
 
E.D. « Je travaille actuellement sur les abus sexuels dans le monde du sport. Le sujet est difficile, lourd, il doit être approfondi dans un long travail d’écoute. L’occasion de valoriser par exemple, l’action d’un club vendéen de football , qui a, d’emblée, mis en place des protocoles publics et rigoureux. J’ai le sentiment de jouer un rôle sociétal positif.
A.D. Dans l’affaire Troadec, mes relations avec Marie Françoise, la mère du meurtrier. Au départ, un franchissement de ligne rouge qui m’a été insupportable. Puis des contacts personnels, des liens qui se créent. L’acceptation d’une « confession » au micro pour dire sa vérité de mère. Un document jamais diffusé à l’antenne : le jour prévu, l’actualité était passée  aux gilets jaunes…  
Jean-Claude Charrier -
Présentation : Patrice Saint André

Des enquêtes passion ?
Mis à jour le 21 mars 2022.
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