Israël-Palestine : une question éternelle ? - Dominique COMELLI

Présenter la question de la guerre Palestine-Israël n’est certes pas simple : c’est une des questions les plus complexes du XXème siècle et du XXIème siècle, car s’entrecroisent sur ce petit territoire équivalent à  2 départements français des temporalités longues : l’antisémitisme chrétien et européen depuis le Moyen-Age, la construction des Etat-nations en Europe au XIXème,  modèle d’un futur foyer national juif où les Juifs seraient à l’abri de l’antisémitisme européen, la décolonisation et le besoin d’indépendance des autres pays du monde au XXème siècle, le choc de la seconde guerre mondiale et de la Shoah. Une question purement européenne s’est ainsi transportée dans un espace moyen-oriental, à qui on a demandé de régler le problème.
Cette complexité décourage, et le silence s’est installé sur cet espace, brutalement rompu par l’horreur du 7 octobre et ses conséquences. Pourtant, la question de la création de l’Etat palestinien prévue simultanément à  la création d’un Etat Juif depuis le 20 novembre 1947 était béante, l’occupation de la Cisjordanie était condamnée par l’Onu depuis 1967, le blocus de Gaza depuis 2007 également. Les évolutions internes de l’Etat d’Israël n’étaient pas davantage perçues.
Le fonctionnement très émotionnel actuel ne simplifie pas les choses : l’horreur de la Shoah est légitimement la base de notre droit international et humanitaire (« plus jamais un génocide ») , les actes du 7octobre sont  des actes terroristes et des crimes de guerre et humanitaires, ce qui a justifié le mandat de la CPI contre les responsables du Hamas, et ont réactivé une très ancienne et légitime angoisse juive d’extermination, même si rationnellement personne ne peut dominer un Etat surarmé, possédant l’arme nucléaire, riche et prospère. Mais il ne s’agit pas de raisonnement ici, mais de souffrance, tout comme les Palestiniens vivent depuis près d’un siècle dans l’angoisse totale de ce qui a fini par arriver : l’expulsion de terres où ils vivaient depuis des siècles.
La violence de la réponse apportée par le gouvernement actuel d’Israël, que les grandes puissances commencent à dissocier du soutien à Israël n’a pas simplifié la question, et a renforcé les visions simplistes où chacun cherche les bons à soutenir et les méchants à combattre, d’autant plus en France où la question a été très médiocrement instrumentalisée dans le jeu politique franco-français.
Essayer de comprendre les choses  et les enjeux est pourtant indispensable : car cette question, à la fois si locale et régionale, mais liée en profondeur au jeu des puissances dominantes depuis un siècle, est en train d’avoir des conséquences pour le monde entier, et donc aussi pour nous Européens : c’est tout le droit international et tout le droit humanitaire patiemment construits depuis la fin du XIXème siècle, approfondi par les deux grandes guerres de 14-18 et 39-45, toutes les organisations internationales  qui devaient apporter sécurité et développement au monde qui sont  en train d’être dynamités depuis le 7 octobre.

En si peu de temps, ce ne pourra être qu’une introduction en espérant que le simple savoir universitaire ramène un peu  de sérénité et permette à chacun non pas de changer ses opinions, ce n’est pas le but de cette conférence, mais d’y apporter un peu de complexité, celle dont le citoyen a besoin pour ne pas se sentir un spectateur impuissant.

Dominique COMELLI
Spécialiste de l'histoire romaine, elle a consacré sa thèse au traitement de l'Antiquité dans la littérature jeunesse. Elle a enseigné l'Histoire au lycée expérimental de Saint-Nazaire et a écrit de nombreux articles sur l'enseignement et la littérature jeunesse. Elle est aussi l'auteur d'un essai:" Comment on enseigne l'histoire à nos enfants", publié chez Atalante en 2001.
" Les esclaves de Rome", paru chez Milan Jeunesse est son premier roman.